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Nature Chemistry: "Micrometer-long covalent organic fibres by photo-initiated chain-growth radical polymerization on an alkali-halide surface"

Des molécules, du sel et de la lumière : une recette simple pour former des nano-fils géants!

Les nanofils sont les briques de base de la nanoélectronique car ils permettent de connecter deux nano-composants. Un des défis majeurs des nanotechnologies est de réussir à élaborer des nanofils de géométrie parfaitement contrôlée présentant une longueur de plusieurs microns sur une surface. Dans ce cadre, seules des réactions contrôlées de polymérisation sur surface semblent pertinentes pour « construire » ces nanofils. Des chercheurs de l’Institut des Nanosciences de Provence (IM2NP), de l’Institut FEMTO-ST et de l’Université de Lincoln/Nanolayers Research Computing LTD (Angleterre) sont les premiers à réussir ce challenge en combinant chimie des polymères, observations au microscope à force atomique et simulations numériques. Ils ont démontré que la polymérisation radicalaire induite par une simple LED ultra-violette sur la surface d’un monocristal de sel peut aboutir à des nanofils gigantesques de polymère avec une géométrie parfaitement définie. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature Chemistry.

 

Imaginez que vous deviez construire un mur de dix kilomètres de long avec des parpaings mesurant chacun 1m. La méthode intuitive consiste à porter et assembler les parpaings les uns après les autres pour faire croître le mur. Une autre méthode pourrait aussi consister à former des groupes en pré-assemblant quelques parpaings puis porter ces groupes pour les assembler avec d’autres afin de former le mur. Cette seconde méthode est peu recommandée car ces groupes de plusieurs parpaings seraient très lourds et difficilement manipulables pour construire le mur, sauf peut-être pour Obélix. En chimie des polymères, la première méthode s’appelle la polymérisation en chaîne alors que la seconde est dite en étape. Ces méthodes sont parfaitement connues en solution, même si la géométrie des polymères qui y sont formés n’est pas contrôlée, et elles ont de nombreuses applications industrielles. En nanotechnologie, les nanofils étant les briques élémentaires pour connecter deux objets sur un substrat, les mécanismes de polymérisation sur surface furent étudiés dès 2007. Or, de façon très surprenante, seule la polymérisation par étape a fonctionné jusqu’à présent pour former des nanofils, et ce uniquement sur des surfaces métalliques. Malheureusement, à l’instar de l’exemple de la fabrication du mur, la méthode de synthèse par étape de molécules dont la dimension est de l’ordre d’un nanomètre n’a jamais abouti à la formation de nanofils d’au moins dix microns de long. En effet, les ensembles intermédiaires constitués de quelques molécules diffusent beaucoup trop mal sur une surface pour s’auto-organiser périodiquement sur de grandes longueurs.

 

Dans leur étude, les chercheurs de l’Institut Matériaux Microélectronique Nanosciences de Provence (IM2NP, CNRS/Université d’Aix-Marseille et de Toulon),de l’Institut FEMTO-ST (CNRS/Université de Franche-Comté/Ecole Nationale Supérieure de Mécanique et des Microtechnologies de Besançon) et de l’Université de Lincoln/Nanolayers Research Computing LTD (Angleterre) ont développé la première polymérisation en chaîne sur une surface, via une polymérisation radicalaire photo-induite.

 

Ils ont réalisé des observations à l’échelle moléculaire par microscopie à force atomique (technique capable d’imager une seule molécule) de la structure de ces nanofils polymériques élaborés sur la surface d’un mono-cristal de chlorure de potassium (KCl) dont la structure est celle du sel de cuisine. Ils ont montré que l’illumination de molécules déposées sur cette surface par une LED ultra-violette (UV) permet de créer des liaisons entre chaque molécule pour aboutir à la formation de fils de polymères mesurant jusqu’à deux microns. Ces nano-fils géants sont obtenus grâce à une polymérisation en chaîne, c’est-à-dire que les fils s’agrandissent continuellement en réagissant avec les molécules individuelles diffusant sur la surface. Ces fils sont ainsi parfaitement organisés et sans défaut, ce qui est nécessaire pour conserver des propriétés physiques optimales (optique, électronique, magnétiques etc.) même après plus de deux mille réactions élémentaires. Des simulations numériques ont permis de conforter les expériences pour déterminer le mécanisme de croissance des nanofils sur ces surfaces.

 

Ce travail réalisé ouvre en outre de nouvelles perspectives à l’essor des nouvelles technologies en proposant une solution peu coûteuse en énergie et éco-compatible pour l’interfaçage des nano-composants. En effet, d’une part, la méthode de synthèse est très simple, elle ne fait appel qu’à une LED UV pour lier les molécules entre elles et les résultats sont obtenus à température ambiante, limitant la consommation d’énergie nécessaire pour les former par rapport aux chauffages thermiques usités actuellement. D’autre part, les substrats sont hydrosolubles ce qui permettra de très facilement les dissoudre sans utiliser de solvants nocifs pour l’environnement afin de récupérer les nanofils pour connecter des nano-composants sur d’autres supports.

 

 

Références

Micrometer-long covalent organic fibres by photo-initiated chain-growth radical polymerization on an alkali-halide surface
Franck Para, Franck Bocquet, Laurent Nony, and Christian Loppacher;
Michel Féron, and Frédéric Chérioux;
David Z. Gao, Filippo Federici Canova, and Matthew B. Watkins
Nature Chemistry, in proof reading 2018
 

Contacts

Chercheur CNRS l Frédéric Chérioux l T 03 81 08 24 25 l frederic.cherioux@femto-st.fr
Professeur l Christian Loppacher l T 06 83 97 19 40 l christian.loppacher@im2np.fr